Pour déguster , on utilise ses yeux pour les impressions visuelles, son nez pour les impressions olfactives et sa bouche pour les impressions gustatives.
La dégustation est donc subjective car chacun a ses propres organes sensoriels qui perçoivent les sensations de manière plus ou moins intense. D’autres raisons rendent la dégustation subjective.
La perception des goûts et des arômes
D’une personne à l’autre, ce qui est jugé agréable ou désagréable diffère. Si la majorité des individus réagissent de manière positive au goût sucré et de manière plutôt négative au goûts acide et amer , chacun possède ses propres seuils pour juger du caractère acceptable et appréciable de ces sensations.
Il en est de même pour les arômes, les odeurs constituent des signaux qui parlent à la partie la plus ancestrale de notre cerveau. Le dégustateur associe ces odeurs, consciemment ou pas, à des souvenirs plus ou moins agréables. Une personne assistant un jour à un stage que j’animais me dit, en sentant une fiole d’arôme : « cela me rappelle quand j’allais chez ma grand-mère ». La fiole en question contenait l’arôme de miel. Après un échange avec cette personne, nous avons compris que l’odeur inscrite dans sa mémoire venait de la cire d’abeille que sa grand-mère passait régulièrement sur son parquet. Cette odeur de miel ravivait des souvenirs agréables. Dans un vin, elle contribue à le valoriser.
A l’inverse, certaines personnes n’apprécient pas certaines odeurs, parfois pour des raisons liées à des situations qu’elles ont vécues. L’odeur de clou de girofle rappelle à certains des moments douloureux chez le dentiste; ils ont tendance à rejeter les vins présentant cet arôme.
Des études montrent que la salive contient certaines enzymes. Elles modifient les substances contenues dans le vin et produisent certains arômes. Comme la composition en enzymes de la salive diffère d’une personne à l’autre, cela contribue à des perceptions multiples.
Que voulons-nous déguster ?
La dégustation est subjective car nous n’attendons pas tous la même chose d’un vin. Nous avons tous notre parcours de découverte du vin. Les personnes avec qui nous avons dégusté nos premiers vins nous ont influencés. Elles avaient leur propre goût et nous ont orientés vers tel ou tel type de vins. Elles nous ont peut-être transmis leur amour pour une région ou un cépage.
Nous habitons ou avons peut-être habité dans une région viticole et donc appris à connaître et à aimer les vins de cette région. Notre goût correspond à ce que nous connaissons, à nos références et représentations du vin que notre mémoire a enregistrées. Quand nous dégustons , il se peut que nous nous attendions à certaines sensations ; nous pouvons éprouver de la déception à ne pas retrouver ce que nous connaissons déjà. Si nous n’avons pas eu la curiosité ou l’occasion de déguster des vins d’autres régions, avec des profils différents, nous sommes parfois déstabilisés par un vin ne correspondant pas à l’image que nous avons construite de ce qu’est un bon vin.
Dans les stages d’œnologie, il arrive souvent que des personnes consommant surtout des vins du midi méditerranéen rejettent les vins de Bourgogne que je leur propose. Ils sont habitués à des produits présentant plus de matière et de puissance.
La mémoire dans la dégustation
Nous avons ressenti nos premières émotions de dégustation qui restent gravées à jamais dans notre mémoire. Cela provient bien sur de la qualité que nous pourrions appeler « intrinsèque » du vin mais également du contexte de la dégustation. A quelle occasion ? Avec quelles personnes ? Dans quelles conditions psychologiques étais-je à ce moment ? Un plat que j’aime particulièrement accompagnait’ il ce vin ? Un vin de bonne qualité dégusté dans une ambiance festive et joyeuse, avec des personnes que l’on aime et un plat que l’on affectionne laissera un souvenir plus profond que celui qu aurait laissé dans un contexte plus neutre. Beaucoup ont expérimenté le plaisir de la dégustation avec un vigneron,. Elle se transforme parfois en impression plus banale quand on ouvre une même bouteille chez soi.
Il arrive que l’on retrouve en dégustant une sensation qui nous rappelle un vin qui nous a marqué. Nous revivons alors l’expérience de Marcel Proust avec sa madeleine, expérience on ne peut plus personnelle et intime.
Déguster c’est cela, plonger en soi-même à la recherche de sensations mais aussi partager et échanger pour ressentir plus de plaisir.